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Méditation et Hypnose: mode d’emploi pour (re)trouver le centre en soi

  • Photo du rédacteur: Mourad Chouaki
    Mourad Chouaki
  • 6 juil.
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 juil.

    La méditation, l'hypnose, la contemplation | Si la science les corrobore aujourd'hui, à quoi servent-elle vraiment?
La méditation, l'hypnose, la contemplation | Si la science les corrobore aujourd'hui, à quoi servent-elle vraiment?

Parler de méditation est souvent plus compliqué que la pratique elle-même. À l’heure des injonctions au bien-être, entre les applications de pleine conscience et les retraites silencieuses, la méditation fascine autant qu’elle rebute. On la recommande dans les entreprises pour mieux gérer le stress, on la voit popularisée par les neurosciences, mais malgré tout… méditer reste “chiant” pour beaucoup.


Il y a dans l’art de méditer une ironie subtile : plus on en parle, plus on s’en éloigne. Et pourtant, c’est bien en tentant de la nommer, de l’apprivoiser par les mots, que l’on peut peut-être commencer à tracer le contour d’une présence oubliée : celle de l’esprit assis, éveillé, immobile.

Alors que le monde pulse au rythme des notifications et où chaque minute doit être rentable, il semble presque absurde — contre-culturel — de s’asseoir pour "ne rien faire". Absurde... ou peut-être essentiel.


Cet article vous propose de clarifier l’essence de la méditation, d’explorer pourquoi elle semble si difficile aujourd’hui, et comment elle se distingue — ou se relie — à une autre pratique mentale : l’hypnose.


I. L’embarras du choix : méditation et confusion contemporaine

Il suffit aujourd’hui de taper “méditation” dans un moteur de recherche pour être submergé par un torrent de propositions : méditation pleine conscience, méditation transcendantale, méditation active, scan corporel, cohérence cardiaque, zazen, vipassana, visualisations guidées, etc.

C’est comme si l’époque avait brusquement redécouvert l’idée que l’on pouvait s’asseoir, fermer les yeux et observer l’intérieur — et que cette simple proposition ouvrait des portes insoupçonnées.

Mais ce regain d’intérêt, s’il témoigne d’un besoin profond de retour à soi, s’accompagne aussi de ses excès : marchandisation, dilution, confusion méthodologique. Comme souvent, plus l’offre est vaste, plus l’essence se dilue. Or, méditer n’est pas une promesse d’apaisement, encore moins une performance de calme. C’est, plus modestement, un retournement. Une manière d’arrêter de fuir ce qui est déjà là. Et, lentement, d’apprendre à habiter cet espace-là : l’instant.


Applications, retraites, neurosciences, Instagram : jamais la “pleine conscience” n’a autant été monétisée, stylisée, conseillée dans les entreprises, les écoles, les hôpitaux. Et pourtant, jamais méditer ne semble avoir été aussi inaccessible.


Ce paradoxe ne vient pas de la pratique en elle-même — qui, dans son essence, est d’une simplicité presque enfantine — mais de la façon dont elle est présentée : tantôt comme un outil de productivité, tantôt comme un raccourci vers l’éveil, tantôt comme une hygiène mentale à caser entre deux mails.

La méditation est devenue un produit culturel, souvent détaché de ses racines philosophiques et initiatiques. Elle est parfois vidée de son exigence pour ne conserver que ses bénéfices prometteurs : calme, focus, bien-être. Une sorte de yoga mental rapide, à consommer comme un smoothie post-burnout.

À force d’être présentée comme une solution miracle — pour gérer son stress, augmenter sa concentration, améliorer son sommeil, voire accroître ses performances — elle est intégrée aux logiques de productivité qu’elle était censée questionner. Les applications comme Headspace, Calm, ou les programmes de mindfulness en entreprise, bien qu’utiles pour amorcer un contact, participent à cet étrange paradoxe : on tente de maîtriser l’art de lâcher-prise.


Mais méditer, en réalité, n’est pas une technique. C’est un rapport. Une attitude. Un déplacement du centre de gravité de la conscience.


Elle n’a jamais été conçue pour cela. C’est une pratique de dépossession, pas de gain. Une pratique qui enseigne à se tenir au centre de soi-même, non à devenir plus performant dans ses périphéries. Son étymologie latine (meditari) signifie “se tenir au milieu”, “considérer avec soin”. En sanskrit, dhyāna désigne un état de concentration méditative qui précède la dissolution de l’égo. Dans le soufisme, on parlera de murāqaba — une veille vigilante — ou de iʿtibār, c’est-à-dire une capacité à contempler, relier, interpréter les signes du monde intérieur comme du monde extérieur.

Ce glissement de sens n’est pas anodin. Il reflète une tension entre deux visions du monde : l’une qui cherche à exploiter le potentiel de la conscience pour en tirer des bénéfices quantifiables ; l’autre, plus ancienne, qui considère la conscience comme un mystère à explorer pour lui-même. Or cette seconde voie — contemplative, non finaliste — est, de nos jours, presque inaudible. Il nous faut réapprendre à écouter ce qu’elle a à nous dire.

Méditer, c’est peut-être simplement cesser de fuir ce qui est déjà là.

II. Méditer, c’est rester avec ce qui est (même le chaos)

Beaucoup abandonnent la méditation après quelques tentatives : “Je n’arrive pas à ne penser à rien”, “Mon esprit part dans tous les sens”, “Je suis trop agité·e pour ça.” C’est précisément là que réside l’illusion. Méditer ne consiste pas à faire le vide, ni à atteindre un état de sérénité pure. Méditer, c’est rester là, même quand c’est inconfortable. Même quand ça crie à l’intérieur. Même quand la seule chose qu’on ressent, c’est l’envie de fuir.


Au début, cela peut ressembler à une confrontation brutale. Soudain, on entend des pensées qu’on croyait muettes, des douleurs corporelles qu’on avait anesthésiées, des inquiétudes sans nom qui montent sans prévenir. Et c’est très bien ainsi. La méditation commence là où le maquillage de l’attention se délite. Là où l’on accepte de ne plus se distraire. Ce n’est pas une paix immédiatement accessible, c’est un dépouillement.


Dans ma propre expérience, les premiers jours de retraite Vipassana ont été déconcertants. Dix heures de méditation assise par jour. Pas de parole, pas de lecture, pas d’échappatoire. Après deux heures, j’ai fait une sieste épuisée de ne rien faire. Quand je me suis réveillé, il était 9h du matin. Le jour 1 n’était même pas entamé.


Et pourtant, au fil du temps, quelque chose s’est déplacé. Ce qui était perçu comme ennui ou inconfort devenait espace. La pensée ralentissait, non parce qu’on la supprimait, mais parce qu’elle n’avait plus le premier rôle. C’est là que deux notions clés de la tradition bouddhique se sont incarnées :

  • Upekka, l’équanimité : l’art d’observer sans réagir.

  • Anicca, l’impermanence : tout passe, même la douleur.

Cela ne s’apprend pas en lisant, mais en restant. À travers la répétition, le corps et l’esprit commencent à comprendre : il est possible de traverser une sensation, un souvenir, un désarroi — sans s’y agripper ni chercher à le modifier. Cela ne supprime pas la souffrance. Cela l’inscrit dans un rythme plus vaste.


III. La voix intérieure, du tyran au compagnon


When you realize the voice in your head isn't you.
Quand on se rend compte que la voix dans notre tête n'est pas soi.

L’un des obstacles les plus tenaces dans la pratique méditative est le discours intérieur : cette voix qui commente tout, anticipe, juge, compare. En philosophie occidentale, on l’a sacralisée sous la forme du je pense donc je suis cartésien. Cette instance, que l’on nomme “égo”, “mental”, “manas” ou “résidu du moi”, fonctionne comme un centre de commande hyperactif. Et il est difficile, au début, de croire qu’il est possible de vivre sans lui donner le premier rôle.

Mais justement, méditer, c’est déroger à cette centralité.

Ce n’est pas faire taire la voix, c’est lui retirer le monopole du réel. Elle devient alors un murmure, un écho parmi d’autres. Elle peut même se transformer en alliée : au lieu de dire “tu fais mal”, elle peut dire “reviens”. Au lieu de dire “tu n’es pas assez calme”, elle peut dire “tiens, observe cette agitation”.


Je propose souvent un exercice simple:

  • Asseyez-vous.

  • Respirez profondément par la bouche, comme si vous souffliez dans une paille.

  • Retenez votre souffle.

  • Écoutez ce qui monte.

  • Expirez lentement, en prenant soin de la "paille imaginaire".

  • Retenez encore.

  • Observez.


Ce moment de suspension active est révélateur. Car la voix intérieure, confrontée au silence, a deux options : s’agiter, ou s’adoucir. Et à mesure que la pratique s’approfondit, elle choisit de plus en plus souvent le second chemin. Elle devient présence.


IV. Hypnose, méditation : les jumeaux divergents de la conscience

Si la méditation peut être vue comme un entraînement à l’accueil lucide du présent, l’hypnose, elle, est une exploration dirigée de l’inconscient. Ces deux pratiques, bien que distinctes dans leur posture, sont en réalité profondément complémentaires, notamment en psychothérapie.


Deux postures différentes, un même terrain

L’état hypnotique et l’état méditatif partagent des caractéristiques neurologiques :– réduction de l’activité du Default Mode Network (réseau du mode par défaut, associé au bavardage mental),– activation du cortex préfrontal,– synchronisation inter-hémisphérique accrue,– accès facilité à des états de conscience modifiée propices à la neuroplasticité (Barabasz & Barabasz, 2008 ; Tang et al., 2015).

Mais là où la méditation propose une attention ouverte, sans but, dans un cadre non-directif, l’hypnose opère par focalisation: on induit un état particulier pour permettre une transformation ciblée – d’une émotion, d’un symptôme, d’un souvenir ou d’un schéma de pensée.


En ce sens, la méditation prépare le terrain : elle stabilise l’attention, développe la capacité à observer sans juger, et rend plus accessible l’état modifié de conscience. L’hypnose, elle, entre ensuite dans ce terrain pour y travailler symboliquement. Le méditant apprend à observer son monde intérieur ; l’hypnose permet parfois d’en reconfigurer les structures.


En psychothérapie : un catalyseur de changement

Dans le cadre thérapeutique, l’hypnose est aujourd’hui reconnue par de nombreuses instances (notamment l’INSERM, 2015) comme un outil efficace et sécure. Elle peut intervenir dans de nombreux champs :

1. Douleurs chroniques et psychosomatiques

L’hypnose permet une modulation de la perception de la douleur via des mécanismes attentionnels et symboliques (Rainville et al., 1997). Elle est largement utilisée en soins palliatifs, anesthésie, et gestion de la fibromyalgie.

2. Anxiété, phobies, troubles paniques

Elle agit par désactivation de l’hyperréactivité limbique, tout en favorisant l’accès à des ressources internes stabilisantes (Oakley & Halligan, 2013).La combinaison hypnose / pleine conscience est d’ailleurs étudiée dans les prises en charge de stress post-traumatique (Jensen et al., 2017).

3. Troubles du comportement et addictions

En travaillant avec des métaphores, des ancrages sensoriels ou des régressions symboliques, l’hypnose permet d’accéder à des causes sous-jacentes et de déjouer les résistances conscientes (Araoz, 1985).

4. Accompagnement existentiel et identitaire

Loin d’être seulement symptomatique, l’hypnose contemporaine (notamment ericksonienne et humaniste) peut aussi favoriser des prises de conscience profondes sur les conflits internes, les choix de vie, les archétypes psychiques ou les héritages transgénérationnels.


Hypnose et méditation : une dynamique fertile

En associant la présence méditative à l’intelligence symbolique de l’hypnose, on obtient une alliance précieuse dans l’accompagnement psychologique :

  • La méditation aide à stabiliser, désamorcer les réactions automatiques, développer une relation plus neutre à soi.

  • L’hypnose permet ensuite d’orienter le changement, en sollicitant les capacités créatives de l’imaginaire, de la mémoire émotionnelle et du corps.


C’est ce double mouvement — d’accueilpuis de transformation — qui rend leur alliance si féconde.L’une fonde l’être, l’autre l’invite à se redéployer.


V. Méditation, Hypnose, Contemplation : pour quoi faire ?

(Ou : est-ce que ça sert à quelque chose ?)

C’est peut-être la question la plus contemporaine.À quoi bon méditer? Si ce n’est ni pour atteindre un état extraordinaire, ni pour “aller mieux” immédiatement, ni pour être plus efficace… alors pourquoi ?


Parce que méditer, c’est se souvenir que nous ne sommes pas uniquement ce que nous faisons.C’est résister à la fragmentation du monde, à l’oubli de soi dans la hâte, à la perte de contact avec la texture du présent.C’est retrouver une continuité intérieure. Une lenteur habitée. C’est vivre… sans se perdre.


Les neurosciences confirment aujourd’hui ce que les mystiques savaient intuitivement :La méditation transforme durablement le cerveau — elle augmente l’activité des régions liées à la régulation émotionnelle (cortex préfrontal), à l’attention (cingulaire antérieur), à la conscience corporelle (insula). Elle diminue l’activité du Default Mode Network, réduit le taux de cortisol, améliore la variabilité cardiaque et la plasticité neuronale (Tang et al., 2015 ; Goyal et al., 2014 ; Lutz et al., 2008).


Mais au fond, est-ce là l’essentiel ?

Peut-être que méditer ne sert à rien, au sens où l’amour ou la beauté ne servent à rien non plus. Ils transforment, oui. Mais pas selon les critères du marché. Ils transforment parce qu’ils touchent ce qui est — silencieusement, tendrement, profondément vivant.

Et si la méditation est l’art d’habiter le présent sans y réagir, alors l’hypnose est "l’art de converser avec l’inconscient sans le contraindre". Là où la méditation enseigne à observer, l’hypnose enseigne à transformer avec souplesse.

Elle permet de redonner du sens à ce qui était confus, de remodeler les liens intérieurs entre mémoire, sensation et récit de soi. Elle ne promet pas la paix permanente, mais elle ouvre une brèche : celle où un symptôme peut devenir un symbole, et un blocage un seuil.


Ces pratiques ne sont pas des outils d’optimisation, mais des chemins de retour — vers une forme d’unité intérieure, vers un rapport au monde moins réactif, plus libre, plus profond.


Contempler. Écouter. Se réguler. Se relier. Peut-être est-ce cela, au fond, “aller mieux”.

Alors non, ce n’est pas utile — mais c’est vital.

Et dans un monde où tout sert, ce qui ne sert à rien devient une forme de résistance sacrée.


 

L'auteur

⫸ Mourad – Praticien en hypnose ericksonienne, formateur et fondateur de @morpheose

⫸ Ce que je propose :

  • séances 1:1, à Genève (17 rue Charles-Giron) et en Visio

  • formations en hypnose ericksonienne

ateliers et retraites d’introspection, pour individus et entreprises

⫸ ex-physicien et politologue, ex-consultant BCG, sportif et être vivant fasciné par la conscience.



Références bibliographiques

Neurosciences et méditation

  • Lutz, A., Slagter, H. A., Dunne, J. D., & Davidson, R. J. (2008). Attention regulation and monitoring in meditation. Trends in Cognitive Sciences.

  • Tang, Y.-Y., Hölzel, B. K., & Posner, M. I. (2015). The neuroscience of mindfulness meditation. Nature Reviews Neuroscience, 16(4), 213–225.

  • Goyal, M. et al. (2014). Meditation programs for psychological stress and well-being: A systematic review and meta-analysis. JAMA Internal Medicine.

  • Brewer, J. A., et al. (2011). Meditation experience is associated with increased cortical thickness. Neuroreport.

  • Ricard, M., Lutz, A., & Davidson, R. J. (2014). Mind of the Meditator. Scientific American.

Hypnose thérapeutique

  • Rainville, P., et al. (1997). Pain affect encoded in human anterior cingulate but not somatosensory cortex. Science.

  • Oakley, D. A., & Halligan, P. W. (2013). Hypnotic suggestion and cognitive neuroscience. Trends in Cognitive Sciences.

  • Jensen, M. P., Patterson, D. R., & Hypnosis Working Group (2017). Hypnotic approaches for chronic pain management. American Psychologist.

  • Barabasz, A., & Barabasz, M. (2008). Hypnosis and the Brain. Springer.

  • Araoz, D. L. (1985). The New Hypnosis. Brunner/Mazel.

  • Inserm (2015). Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose. Rapport collectif.

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